Dans le premier article de cette série de quatre, nous avions évoqué les mesures mises en place par les autorités en cas de crise financière importante.
Y était examiné le cadre législatif européen et en particulier la Directive européenne sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances ; la protection des avoirs au niveau de 100.000 Euros ainsi que le possible gel des comptes bancaires et contrats d’assurance.
Nous nous étions donc essentiellement intéressés aux éventuelles faiblesses des banques et du système bancaire. Mais les compagnies d’assurance sont-elles à l’abri d’une crise financière ? Quels sont leurs risques les plus importants ?
La question n’est pas sans intérêt puisque dans le passé, il y a eu quelques faillites retentissantes de compagnies d’assurance. Citons par exemple, le dépôt de bilan de la compagnie d’assurance japonaise NISSAN MUTUAL LIFE en 1997 (1,2 million d’assurés et 17 milliards USD d’actifs) suite à la commercialisation de rentes individuelles rémunérées à 5% alors que, quelques années plus tard, les taux des obligations japonaises baissaient très fortement entrainant une perte pour la compagnie de 2,5 milliards USD qui débouchera sur la faillite de l’entreprise.
En 1999, ce fut également le cas de la compagnie GENERAL AMERICAN LIFE avec près de 14 milliards USD d’actifs.
Et, en 2008, le premier assureur mondial de l’époque, AIG (74 millions de clients), a frôlé la faillite avant l’injection de 182 milliards USD d’argent public par la Banque centrale des USA , la Federal Reserve.
À une toute autre échelle, souvenons-nous également des difficultés de l’assureur ETHIAS lors de cette même crise de 2008, sauvée elle aussi par les aides de l’Etat.
Si l’on comprend aisément pourquoi une banque est directement mise en péril en cas de crise économique ou encore de crise boursière, pourquoi une compagnie d’assurance (et plus particulièrement un assureur vie) pourrait-il se retrouver en difficulté ?
Un examen du bilan d’une compagnie d’assurance-vie va nous permettre de comprendre où se situent les risques.
Pour mémoire, le bilan est réparti entre l’actif (le reflet de ce que possède l’entreprise) et le passif (l’image de ce que l’entreprise doit).
En simplifiant très fortement, pour un assureur vie, le passif reprend ses engagements envers les assurés. Ce sont les provisions techniques. A l’actif, le poste placements montre comment la compagnie d’assurance vie a utilisé les fonds reçus des assurés pour pouvoir tenir ses engagements envers eux.
Puisque nous parlons des risques de l’assureur, il est nécessaire de faire immédiatement une distinction entre les produits garantis par l’assureur (de type branche 21, assurances de groupe, …) et les produits non garantis (essentiellement les produits de la branche 23).
Ces derniers ne représentent pas, à proprement parler, un risque pour la compagnie d’assurance. En effet, en branche 23, le client paye par exemple une prime de 100 et demande à l’assureur de l’investir dans des parts de fonds communs (SICAV…) au prix du jour. L’assureur s’engage de son côté à rendre au client la contre-valeur de ce même nombre de parts à la fin du contrat en fonction de la cotation du jour. Autrement dit, que la cotation de ces parts soit en hausse ou en baisse par rapport au prix initial, ne représente aucun risque pour l’assureur. Ce ne sont donc qu’aux produits garantis (branche 21, assurances de groupe) que nous nous intéresserons, ci-après, dans la mesure où ils représentent un risque réel important pour l’assureur.
De manière tout à fait traditionnelle, la compagnie, pour pouvoir tenir ses engagements, investit les primes payées par ses clients essentiellement en obligations d’Etat lui garantissant, en principe, un revenu sûr, fiable et permanent.
Mais dans l’environnement actuel de taux d’intérêt extrêmement bas (une obligation à 10 ans de l’Etat belge offre aujourd’hui …0% d’intérêt), les compagnies d’assurance vie ont du mal à trouver des placements présentant un rendement suffisant pour couvrir les taux d’intérêt contractuellement garantis tout en dégageant une marge bénéficiaire.
C’est pourquoi une série d’assureurs réorientent leurs investissements vers des obligations de moindre qualité, mais aussi vers l’immobilier, les crédits hypothécaires ou encore les marchés financiers d’actions.
Ce qui, on le comprend aisément, augmente sensiblement les risques puisqu’au risque de taux d’intérêt, déjà élevé vu les taux bas actuels, s’ajoutent les risques de défaut d’un émetteur d’obligations ainsi que les risques inhérents aux marchés boursiers ou à ’investissement immobilier.
Le FMI (Fonds Monétaire International) notait, dans son dernier rapport, que « les sociétés d’assurance les plus petites, les moins puissantes et moins bien capitalisées d’un certain nombre de pays semblent, en effet, avoir misé sur des placements plus risqués ces dernières années en vue de reconstituer leurs actifs ». Autrement dit, attention surveillance accrue !
La faillite de l’assureur nippon Nissan Mutual Life évoqué en début d’article illustre parfaitement les dangers qui guettent les compagnies d’assurance-vie aujourd’hui.
En s’étant engagé auprès de ses clients à leur verser une rente rémunérée à 5%, cet assureur n’a pas pu tenir son engagement à long terme vu la baisse substantielle des taux d’intérêt au Japon quelques années plus tard.
N’est-ce pas ce qui est en train de se produire pour un certain nombre de compagnies d’assurance aujourd’hui ? D’un côté, des engagements de taux envers leurs clients nettement supérieurs aux taux actuels. De l’autre, l’arrivée à échéance de leurs placements en obligations sans possibilités de trouver dans le marché des taux d’intérêt correspondant à leurs engagements sans prise de risque supplémentaire.
En effet, et sans vouloir entrer dans des domaines fort techniques, de nouvelles règles comptables ont vu le jour (Solvency II) ou seront mises en application en 2021 (Norme IFRS 17) qui ont pour but de faire mieux correspondre le bilan de l’assureur aux réalités des marchés financiers. En simplifiant à l’extrême, ces nouvelles réglementations obligent les assureurs, à l’image de ce qui s’est passé pour les banques précédemment, à valoriser leurs engagements et leurs placements à la valeur réelle du marché au jour le jour et non plus en valeur d’acquisition avec amortissements. Ce qui entrainera une volatilité accrue de leur bilan et en voie de conséquence un accroissement des risques.
Les autorités chargées de la surveillance du secteur ne s’y trompent pas. C’est ainsi que la Banque Nationale en Belgique surveille très étroitement le risque de taux d’intérêt des compagnies d’assurance dont elle a la surveillance (composition des taux d’intérêt garantis sur les contrats, durée moyenne des engagements et des placements ainsi que l’étude des flux futurs de trésorerie).
Cette même Banque Nationale écrivait dans son rapport 2019 (présenté au début de cette année 2020) : « la persistance d’un environnement de faibles taux d’intérêt risque à terme de devenir problématique pour certaines entreprises exerçant l’activité d’assurance vie. La situation de certaines entreprises requiert d’ores et déjà une attention particulière de la part de la Banque, en raison du modèle d’entreprise qu’elles utilisent. Au cours de la période sous revue, la Banque a donc continué d’exercer un contrôle accru sur les entreprises présentant le profil de risque le plus élevé. »
Et les « constatations faites par l’inspection a conduit la Banque Nationale à prendre des mesures sévères pour certaines entreprises ».
Tout ceci montre combien aujourd’hui les compagnies d’assurance-vie fortement impliquées dans des produits garantis (du type branche 21 en Belgique par exemple) sont fragilisées suite à l’environnement de taux d’intérêt extrêmement bas.
De plus, la crise actuelle du coronavirus a augmenté sensiblement les risques. D’un coté les taux d’intérêt sont encore plus bas qu’ils ne l’étaient avant la crise mais surtout ils le seront encore pendant bien longtemps dans la mesure où nos fragiles économies ne pourraient supporter le choc d’une remontée des taux d’intérêts.
De l’autre coté, la crise a engendré une très forte augmentation des dépenses publiques donc de l’endettement des Etats qui émettent des montants gigantesques d’emprunts d’Etat. Seront-ils capables de les rembourser ? La sacro-sainte annulation des dettes pourrait-elle réapparaitre ? Mais dans ce cas, que feront les compagnies d’assurance qui investissent essentiellement leurs avoirs en emprunts d’Etat ?
Enfin, dans quelques années, d’autres problèmes pourraient se poser aux compagnies d’assurance en cas de remontée brutale de ces mêmes taux d’intérêts puisqu’il serait impossible pour ces compagnies de suivre le mouvement de hausse tout en devant acter des moins-values importantes sur leur portefeuille de placements.
En conclusion, osez poser les bonnes questions à la compagnie d’assurance où vous possédez une assurance de branche 21, une assurance de groupe ou un produit à taux ou capital garanti.
Ou, plus simplement, contactez-nous. Un avis totalement indépendant des institutions financieres est plus que jamais indispensable.
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